Tout récemment, Informazout a invité des experts du secteur du chauffage et des journalistes spécialisés à une journée d’étude sur les combustibles liquides du futur en Allemagne. Voici les conclusions de notre visite chez Ineratec, une spin-off de l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT) qui produit des combustibles liquides synthétiques (appelé aussi ‘e-fuels’) à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène.
L'avenir des systèmes de chauffage au mazout repose sur des combustibles liquides pauvres en carbone d'origine végétale ou synthétique. De multiples projets de recherche sont actuellement en cours sur le sujet, avec plusieurs bonnes nouvelles à la clé. Les combustibles pauvres en carbone existent déjà et l’on se rapproche d’une commercialisation !

Le projet Kopernikus
Le campus de l’Institut de technologie de Karlsruhe accueille deux installations pilotes : Bioliq et P2X. Celles-ci utilisent des matières premières différentes mais fonctionnent selon le même principe : un cycle fermé du CO2. L’installation Bioliq produit de l’essence de haute qualité à partir de déchets biogènes, c’est ce qu’on appelle le procédé Biomass-to-Liquid (BtL). Le procédé Bioliq (Biomass to Liquid) fera l’objet d’un prochain article sur notre blog.
Quant au projet Kopernikus P2X, il permet d’extraire le CO2 de l’air pour produire du combustible. Il s'agit d'une collaboration de quatre partenaires, qui ont chacun pris en charge une étape du processus. Kopernikus est un programme de soutien du Gouvernement allemand visant à développer des technologies pour réaliser la transition énergétique (le nom symbolise la transformation fondamentale de notre système énergétique qui est nécessaire). L'un des principaux axes du programme est le P2X, abréviation de Power-to-X. Cela comprend toutes les méthodes de stockage de l'électricité verte en la transformant en un autre vecteur, généralement liquide ou gazeux. Power-to-X est un terme générique pour Power-to-Gas, Power-to-Liquid (PtL) et Power-to-Chemicals.
Le combustible PtL est obtenu en 4 étapes
L'installation du programme P2X sur le campus du KIT est une première mondiale. Pour la première fois, les quatre étapes de la conversion de l'électricité en combustible vert ont été regroupées en une seule installation. Quatre partenaires ont travaillé ensemble, chacun prenant en charge une étape. Le conteneur dispose d’assez d'électricité et d'air pour produire du combustible, ce qui permet une utilisation optimale du CO2.
- Etape 1 : l'installation filtre le CO2 de l'air afin de pouvoir l’utiliser comme matière première. Cette technique a été développée par Climeworks, une spin-off de l'ETH Zurich.
- Etape 2 : le CO2 et la vapeur d'eau sont dissociés en monoxyde de carbone et hydrogène, en utilisant une technologie de la société énergétique Sunfire.
- Etape 3 : des chaînes d'hydrocarbures plus longues sont ensuite construites à partir de ce mélange gazeux à l'aide d'un procédé mis au point par Ineratec, une spin-off du KIT.
- Etape 4 : développé par le KIT, la phase finale du processus consiste à fractionner les longues chaînes d’hydrocarbures pour en produire les composants de base de l’essence, du kérosène et du diesel.
Quels sont les avantages du combustible synthétique par rapport à un combustible fossile ?
Tout d’abord, il est climatiquement neutre. Lorsque nous brûlons cet e-fuel (produit au départ d’énergies renouvelables), nous émettons naturellement du CO2 mais, dans le cas présent, ce CO2 est aussi la matière première de la production. C'est pourquoi nous parlons de combustible pauvre en carbone.
Ensuite, ce combustible renouvelable peut être mélangé aux combustibles fossiles, et à terme les remplacer progressivement. Cerise sur le gâteau, ces combustibles renouvelables n’exigent pratiquement aucune adaptation de la chaudière. Les installations de chauffage actuelles peuvent donc continuer à être utilisées tout en émettant moins de CO2. Comme leurs prédécesseurs fossiles, les nouveaux combustibles renouvelables présentent des avantages pour de nombreuses applications en raison de leur haute densité énergétique et de leurs facilités de transport et de stockage, qu'il s'agisse de véhicules ou de systèmes de chauffage.
Dans quels secteurs cette technologie peut-elle être appliquée ?
L'application est polyvalente. Le procédé peut être utilisé dans l'industrie automobile, les systèmes de chauffage, l'industrie chimique... Le secteur de l'aviation est particulièrement important pour Ineratec, car il n'existe actuellement aucune alternative verte au kérosène. Les débouchés sont considérables.
Quand verra-t-on ces combustibles sur le marché ?
En 2017, Ineratec a entrepris une coopération européenne après avoir conçu un réacteur pouvant être transporté sur un conteneur maritime. A l’heure actuelle, l’entreprise exporte son procédé dans le monde entier et construit des installations pouvant produire 400.000 litres cette année et 4 millions de litres l’année prochaine. Vu la forte hausse de la demande, l’offre devra rapidement augmenter. En théorie, la mise sur le marché est donc imminente. Toutefois, la réussite de la commercialisation sera davantage une question politique que technique. La production des combustibles pauvres en carbone est en effet plus coûteuse. Tout dépendra donc de la position du politique face à ces alternatives.
Quelles sont les perspectives de ce combustible du futur ?
Selon Ernst-Moritz Bellingen, Président d’Eurofuel, la réduction de la taxe sur l'énergie ou toute autre mesure incitative pourrait servir de levier pour que les producteurs investissent dans les combustibles de substitution. Le monde politique doit être ouvert au développement de toutes les formes de combustibles alternatifs. Un pays qui se concentre unilatéralement sur une voie, comme la propulsion électrique, limite l'innovation dans d'autres secteurs. Les politiciens doivent mener une politique énergétique technologiquement neutre. Raison pour laquelle Eurofuel s’efforce d'assurer l'égalité de traitement de toutes les sources d'énergie et des conditions de concurrence équitables en matière de réglementation de l'efficacité énergétique.
Parce qu’une image vaut mieux que cent mots, découvrez ici le reportage vidéo réalisé lors de la journée d’étude d’Informazout et des journalistes à Karlsruhe.
Cette journée d’étude a été menée avec la collaboration d’Eurofuel (Association européenne de défense des intérêts du secteur du mazout) et d’IWO (le pendant allemand d’Informazout).